Un papier imbuvable !

Véritable plaisir pour certains, premier calvaire d'une longue année pour d'autres, tout le monde se souvient du rituel qui consistait, pendant le mois d'août ou début septembre, à s'entasser dans une grande surface bondée et remplir un caddie entier de fournitures scolaires en tout genre.

Généralement la matriarche tenait fermement dans la main la liste fournie par l'école, tandis que l'enfant courrait, haletant et suant, de rayons en rayons mettre la main sur le dernier pot de colle Cléopâtre ou autre stylo à plume Reynolds (plume "argent" pour le prolétaire, plume "or" pour le bourgeois).

C'est alors qu'au milieu des classeurs petit format, et autres cahiers de TP divisé en pages gros carreaux suivi de pages dessin, survenait sournoisement dans un coin de la liste, l'impensable, l'inconcevable, le Mystère des mystères : le Papier Buvard.

Un design horrible pour un objet obsolète.

Le papier Buvard serait né d'une erreur, ce qui n'est pas très étonnant. En effet, c'est au XIX siècle qu'un ouvrier aurait oublié de mettre un élément dans la composition du papier donnant naissance à cette anomalie diabolique. 

Autant être clair, net et précis : le papier buvard, ça ne sert à rien, si ce n'était donner bonne conscience aux parents et à l'équipe pédagogique, ainsi qu'à remplir encore un peu plus les cartables déjà surchargés.

Vendu comme étant indispensable dans l'apprentissage du maniement de la plume afin d'absorber les tâches d'encre d'un poignet vigoureux mais encore trop tendre, il servait en réalité de défouloir.

Ah c'est sur que c'est indispensable !

Ainsi, il n'était pas rare que devant des interrogations de math trop ardues, nous retournions nos plumes et nous amusions à faire de grosses traînées d'encre bien dégueulasses.
La seconde utilisation consistait à pointer sa plume en angle droit de manière à faire couler le plus d'encre possible sur le papier.
Si la technique avait été correctement réalisée, on avait alors la niaise jubilation, de constater que l'encre bavait sur la table en dessous, transperçant un papier buvard vaincu.

Quand on y repense, si ce papier n'a jamais eu la moindre utilité pour notre génération, c'est peut être parce qu'il existait en parallèle un objet aussi pratique que design : l'effaceur.
D'un mouvement "côté bouchon blanc" toute tâche ou rature était gommée en un instant, et d'un subtil renversement de poignet "côté bouchon bleu" on pouvait réécrire l'histoire, comme si de rien n'était.





Si vous aussi, chaque année lors des "courses de rentrée", vous avez acheté un paquet de papiers buvard "canson", non parce que vous aviez utilisé le précédent, mais parce que vous l'aviez tout simplement perdu, n'hésitez pas à apporter votre témoignage.







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